L’ouverture d’esprit.
Une amie m’a
confiée un jour que son conjoint l’avait taxé de « pas ouverte
d’esprit » parce qu’elle s’était refusée de s’adonner à un jeu lubrique.
En fait, son époux voulait organiser une orgie à quatre, et les deux autres du
quarté n’étaient que le frère et la belle sœur du conjoint. Parce que dans sa
culture et son éducation cette pratique n’est pas de mise, une femme se fait
traiter de « Pas ouverte d’esprit » par son mari ! Quand on parle de malhonnêteté
et d’individu très mal intentionné, il n’y a pas qualificatifs plus adéquats
pour traiter ce genre de personne…
Le monde, de
par les progrès de la technologie, les moyens de communication, internet et
autres médias, devient de plus en plus un petit village, et des personnes qui,
avant habitaient aux antipodes de la terre, différentes par leurs us et
coutumes, autant par leurs races, sont obligés de se rencontrer. Avec ce clash
de culture, l’ouverture d’esprit devient l’incontournable outil pour cohabiter
dans la paix et la sécurité. Mais qu’est-ce que c’est l’ouverture d’esprit ?
Selon moi,
l’ouverture d’esprit est la capacité à, de façon cartésienne ou émotionnelle,
réaliser et respecter le fait que SA vérité n’est pas LA vérité, ainsi accepter
tel quel ce qui peut nous sembler étrange. Mais comment en arrive-t-on à
conclure que les « autres » ne sont pas ouverts d’esprit ?
« L’ouverture
d’esprit » est une expression qui est formée de deux mots capitaux :
« ouverture » et « esprit ». Dans n’importe quel
dictionnaire classique le mot « ouverture » signifie : état de
ce qui est ouvert. Ouvrir c’est permettre d’entrer ; en fait, s’ouvrir c’est un
peu comme inviter à entrer. L’esprit, selon moi, c’est cette partie non
charnelle (un peu mystique même parce que nul ne sait vraiment où il se trouve
et de quoi il est fait…) de l’être humain, perceptible par les sens, qui lui
donne la capacité de se distinguer d’autres personnes et même d’autres
créatures de l’univers. L’esprit est le gouvernail de l’existence des hommes en
ce sens que, bien forgé ou bien nourri, il peut permettre de s’élever au rang
d’entités « éclairés », mais mal forgé ou mal nourri il peut
rabaisser l’humain à un rang inférieur à celui des bêtes. Dans un sens
littéral, être ouvert d’esprit c’est d’accueillir dans ce cocon mystique
exclusif à soi d’autres idées extérieures à soi, d’autres pensées, d’autres
philosophies et d’autres traditions ; mais ce qui est exclusif à soi est ce que
nous connaissons le mieux : notre éducation, nos coutumes, nos traditions
; on s’y sent bien et cela constitue notre zone de confort, voilà pourquoi
Montaigne a déclaré que chacun appelle barbarie ce qui n’est pas de son usage...
S’ouvrir d’esprit c’est être capable de sortir de sa zone de confort, vivre
l’insécurité d’intégrer au plus profond de soi que d’autres personnes peuvent penser différemment de nous et avoir
raison dans le contexte de leur courant de pensée.
Certains
philosophes considèrent l’homme comme étant un « animal social ». Un
animal parce que son cerveau limbique s’est formé bien plus longtemps avant son
néocortex, faisant ainsi de la survie l’activité la plus importante de l’espèce
humaine ; social parce que ce dernier a compris qu’en vivant en société il
augmentait de beaucoup cette espérance de survie. Seulement, la nature
primitive de l’Homme le pousse constamment à entrer en conflit avec son
semblable, question de se mesurer pour déterminer qui des deux est supérieur à
l’autre (dans les temps obscures du commencement de l’humanité il fallait
être « dominant » pour assurer
sa pérennité). Avec les grandes découvertes et les progrès technologiques sont
nés le colonialisme et les impérialismes. D’abord, par la force et
l’intimidation, certaines cultures convaincues que leur façon d’être ou leur
façon de faire était LA FAÇON, se sont permis de violer l’intimité et
l’intégrité culturelle d’autres peuples. Puis, après que ceux-ci aient dénoncés
ces pratiques, la violence s’est faite plus subtile par le biais du cinéma, de
la publicité, des arts et de la littérature, enfin par les médias. Aujourd’hui
il est très facile de se faire taxer de « pas ouvert d’esprit » parce
qu’on se refuse d’adhérer à des courants de pensées mis sur pied par une
certaine élite d’intellectuels et penseurs de « renommée mondiale »,
ou parce qu’on se refuse de pratiquer des mondanités (us et coutumes d’un
savoir-vivre social développés par une autre catégorie d’élites s’arrogeant le
parangon du savoir-vivre), ou parce qu’on se refuse d’accepter un nouvel ordre
mondial dicté par une minorité qui détient la majorité du pouvoir économique de
la planète. Mais comment ne pas se fermer l’esprit à double tour lorsque des
gens essaient d’y entrer sans permission ? Et comment se manifeste l’ouverture
d’esprit selon moi ?
L’ouverture
d’esprit réside dans l’acceptation de ce qui est étrange à nous plus que dans
la pratique de celui-ci. On ne doit pas être obligé de pratiquer un rituel quelconque
ou de se soumettre à une culture quelconque afin de prouver qu’on est ouvert
d’esprit. Déjà accepter la légitimité de ces rituels ou de ces cultures suffit
à montrer qu’on est ouvert d’esprit. Par exemple, si je suis monothéiste,
promulguant l’idée que chacun a le droit d’adorer le dieu ou les dieux de son
choix, je n’ai pas à aller me prosterner devant ces dieux pour entériner mes
propos.
Plus encore,
être ouvert d’esprit c’est être capable de comprendre que les
« autres » ne puissent pas l’être, car on ne se ferme nécessairement
pas pour « faire chier » les autres, c’est avant tout un mécanisme de
défense ; une forte envie de ne pas perdre le contrôle, ni de se perdre en
conjecture, ou peut-être la peur de trahir une entité, une croyance en laquelle
on est fortement attaché. C’est le cas des personnes qui se ferment à
l’homosexualité, le transgenre et les êtres « différents » ; le mal
ne réside pas dans le fait qu’ils se refusent d’accepter la différence :
chacun a le droit de se fermer ou de s’ouvrir aux choses de l’existence. Le mal survient lorsque dans l’ignorance ils jugent, condamnent, posent des actes
répréhensibles par la loi ou incitent des gens à poser des actes répréhensibles
par la loi à l’endroit de ces personnes « différentes »… Le grand
défi pour les personnes qui se disent ouvertes d’esprit, dans toutes situations
contrariantes, est de rester calme et de comprendre, tant et aussi longtemps
qu’il n’y a pas de débordement ; car il n’y a pas plus fermé d’esprit que celui
qui se proclame ouvert d’esprit tout en étant incapable de comprendre ceux qui
se ferment l’esprit. C’est généralement ce type d’individu qui à court
d’arguments dans une discussion serait enclin à lancer à la face de son
antagoniste qu’il est « fermé d’esprit » ; mais ce n’est que
manipulation et intention de rabaisser l’autre afin de se valoriser. Agir ainsi
n’a rien de valorisant.
Ce n’est pas
parce qu’on est capable de faire une fellation à un homme qu’on est ouvert
d’esprit, et Dieu sait combien de femmes se font avoir dans ces croyances
sociales. Ce n’est pas parce qu’on peut faire un cunning-lingus à une femme
qu’on est ouvert d’esprit, et Dieu sait combien d’hommes s’emballent avec cette
idée. Ce n’est pas parce qu’on est capable d’échangisme, d’assister à une
partouze, de sodomiser ou se laisser sodomiser, de participer à un rituel
« étrange », d’assimiler l’opinion ou la culture de l’autre, de dire
« oui » quand on a envie de dire « non » à un us qui fait
l’unanimité, de lutter pour une cause qu’on trouve noble, d’avoir la
connaissance sur mille et un sujets et que sais-je encore, qu’on est forcément
ouvert d’esprit. Toute la beauté et la perfection de l’homme réside dans le
fait qu’il est en mesure, par intérêt, de jouer des rôles ; mais on peut
tromper des gens pendant un temps, on ne peut pas les tromper tout le temps.
L’ouverture d’esprit est l’œuvre d’une vie, c’est la façon d’être qui laisse la
place à d’autres façons d’être ; et pour ce faire, il ne s’agit pas d’être tout
le temps d’accord avec les autres, il ne s’agit pas de se faire violence à
épouser les opinions des autres même si leur notoriété dans le monde n’est plus
à prouver. Il s’agit de se dire au plus profond de soi, lorsque l’autre ne
vogue pas en phase avec nous ou avec nos idées : « Je comprends et
respecte tes opinions, même en désaccord avec les miennes, car tu as le droit
inaliénable d’avoir des opinions personnels. »
Mon Seigneur
Jésus-Christ lorsqu’il envoyait ses apôtres prêcher la bonne nouvelle aux
hommes disait : « lorsque vous arriverez devant chaque porte de
maison, frappez et attendez. Si on vous ouvre et vous invite, entrez et livrez
le message. Mais si on ne vous ouvre pas et ne vous invite pas, tournez-vous et
allez-vous en… » (En un seul mot, respectez que les autres ne veuillent
pas de votre nouvelle, même si vous la considérez bonne.) Un exemple
d’ouverture d’esprit qui m’a toujours marqué.
Un jour
Jésus Christ est assis sur une roche, méditant en traçant des lettres sur le
sol. À un moment donné il entend un brouhaha, lève la tête, voit des hommes,
femmes et enfants prêts à lyncher une femme sous prétexte qu’elle est adultère.
La femme approche du Christ, cherchant un certain secours car elle sait qu’il
est respecté des juifs. Ceux-ci citent la loi de Moïse et demandent à Jésus de
les laisser faire justice. Celui-ci leur dit : « Que celui qui n’a
jamais péché jette contre cette femme la première pierre » puis il baisse
de nouveau sa tête et continue de tracer des signes sur le sol. Quelques minutes
plus tard il relève la tête, constate que le peuple vindicatif s’est
éloigné mais que la femme n’a reçu
aucune pierre, il dit à cette dernière : « Femme, si personne ne t’a
condamné, moi non plus je ne te condamne pas. Vas et ne pêche plus » Voilà
l’exemple le plus patent d’ouverture d’esprit que j’ai eu à entendre… Voilà un
juif qui, connaissant l’importance de la loi de Moïse et sa place dans la
société où il est natif, fait une entorse au règlement au nom du bon sens,
parce qu’il est assez ouvert d’esprit pour comprendre que toute chair est
faillible.
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